La pluie
Longue comme des fils sans fin, la longue pluie
Interminablement, à travers le jour gris,
Ligne les carreaux verts avec ses longs fils gris,
Infiniment, la pluie,
La longue pluie,
La pluie.
Elle s’effile ainsi, depuis hier soir,
Des haillons mous qui pendent,
Au ciel maussade et noir.
Elle s’étire, patiente et lente,
Sur les chemins, depuis hier soir,
Sur les chemins et les venelles,
Continuelle.
Au long des lieues,
Qui vont des champs vers les banlieues,
Par les routes interminablement courbées,
Passent, peinant, suant, fumant,
En un profil d’enterrement,
Les attelages, bâches bombées ;
Dans les ornières régulières
Parallèles si longuement
Qu’elles semblent, la nuit, se joindre au firmament,
L’eau dégoutte, pendant des heures ;
Et les arbres pleurent et les demeures,
Mouillés qu’ils sont de longue pluie,
Tenacement, indéfinie.
Les rivières, à travers leurs digues pourries,
Se dégonflent sur les prairies,
Où flotte au loin du foin noyé ;
Le vent gifle aulnes et noyers ;
Sinistrement, dans l’eau jusqu’à mi-corps,
De grands boeufs noirs beuglent vers les cieux tors ;
Le soir approche, avec ses ombres,
Dont les plaines et les taillis s’encombrent,
Et c’est toujours la pluie
La longue pluie
Fine et dense, comme la suie.
La longue pluie,
La pluie – et ses fils identiques
Et ses ongles systématiques
Tissent le vêtement,
Maille à maille, de dénûment,
Pour les maisons et les enclos
Des villages gris et vieillots :
Linges et chapelets de loques
Qui s’effiloquent,
Au long de bâtons droits ;
Bleus colombiers collés au toit ;
Carreaux, avec, sur leur vitre sinistre,
Un emplâtre de papier bistre ;
Logis dont les gouttières régulières
Forment des croix sur des pignons de pierre ;
Moulins plantés uniformes et mornes,
Sur leur butte, comme des cornes
Clochers et chapelles voisines,
La pluie,
La longue pluie,
Pendant l’hiver, les assassine.
La pluie,
La longue pluie, avec ses longs fils gris.
Avec ses cheveux d’eau, avec ses rides,
La longue pluie
Des vieux pays,
Éternelle et torpide !
Emile Verhaeren (1855-1916)
Oui, ça serait plus joyeux en effet si cette pluie se transformait en neige…
parce qu’on croit toujours que ça ne finira pas, et qu’étant trempés on se sent misérable – même les chiens sont d’accord
(un arbre superbe)
ça dépend. J’ai le souvenir d’un jour de pluie au bord de mer. Inoubliable.
Cette fois, nous sommes synchro. La pluie et encore la pluie dans la douceur
Mais la solitude, ça n’existe pas avec une solide hilarité…. 🙂
C’est triste peut-être de l’intérieur de soi, mais que c’est beau vu de l’extérieur qu’on soit dessous (parapluie oblige!) ou derrière une fenêtre avec des reflets aux vitres ou via des lumières extérieures…
Le pire c’est quand c’est triste même un jour de grand soleil 😉
les jours de pluie portent l’espérance de l’eau et de l’énergie.
Je vous souhaite un Noël avec un coeur ensoleillé quelle que soit la météo !!
Pierre
Même si le ciel est gris, je viens de faire, grâce à vous, une magnifique promenade et j’ai lu avec bonheur le beau poème d’Emile Verhaeren. Un poète que j’apprécie beaucoup.
Belle journée Pierre 😉
Après la pluie le beau temps 🙂
Superbe note , toujours bien illustrée et commentée !
mon cadeau du jour
..rien ne peu changer le monde..mais les mots sinceres..peu changer notre petit monde