Voyage au bout du monde
Des navires bercés dans un port
Doux bercement avec des souvenirs de voyages
Puis on trouve seuls les souvenirs errants
qui reviennent et ne trouvent pas de port
souvenirs sans port d’attache
Trouvent le port déserté
Un grand lieu vide sans vaisseaux.
Je regarde en ce moment sur la mer et je vois
un tournoiement d’oiseaux
Alentour de je ne sais quel souvenir des mâts
d’un bâteau péri
Qui furent sur la mer jadis leur port d’attache
Et c’est à ce moment aussi que j’ai vu fuir
Un bateau fantôme à deux mats déserts
Que les oiseaux n’ont pas vu, n’ont pas reconnu
Alors il reste dans le ciel sur la mer
Un tournoiement d’oiseaux sans port d’attache.
Hector de Saint-Denys Garneau
Voyage au bout du monde
Les Floraisons matutinales
Loin des grands rochers noirs que baise la marée,
La mer calme, la mer au murmure endormeur,
Au large, tout là-bas, lente s’est retirée,
Et son sanglot d’amour dans l’air du soir se meurt.
La mer fauve, la mer vierge, la mer sauvage,
Au profond de son lit de nacre inviolé
Redescend, pour dormir, loin, bien loin du rivage,
Sous le seul regard pur du doux ciel étoilé.
La mer aime le ciel : c’est pour mieux lui redire,
À l’écart, en secret, son immense tourment,
Que la fauve amoureuse, au large se retire,
Dans son lit de corail, d’ambre et de diamant.
Et la brise n’apporte à la terre jalouse,
Qu’un souffle chuchoteur, vague, délicieux :
L’âme des océans frémit comme une épouse
Sous le chaste baiser des impassibles cieux.
Nérée Beauchemin – Les Floraisons matutinales
La terre meurt
La terre meurt
L’homme s’en fout
Il vit sa vie
Un point c’est tout
Il met à son gré, à son goût
Le monde sans dessus dessous
La terre meurt
Où allons-nous ?
La terre meurt
Réveillons-nous
Charles Aznavour
Avec notre ombre à nos trousses
On passe en voyage au soleil
On est un passage vêtu de lumière
Avec notre ombre à nos trousses comme un cheval
Qui mange à mesure notre mort
Avec notre ombre à nos trousses comme une absence
Qui boit à mesure notre lumière
Avec notre absence à nos trousses comme une fosse
Un trou dans la lumière sur la route
Qui avale notre passage comme l’oubli
Hector de Saint-Denys Garneau