Vernissage du dimanche. Le thème : l’arbre. Personnage parfois obscur, parfois lumineux, compagnon de route, abri de nos solitudes, confident et auditeur fidèle de nos merveilleux gazouilleurs, les oiseaux. Il est aussi le témoin de nos naissances, de notre vie et de notre mort. Il sait veiller sur nous si nous lui accordons un peu d’attention. Malade, il sait prolonger sa vie si l’humain le soigne. Il garde le silence, il accueille tous les enfants du monde tristes et joyeux, tous les amoureux, tous les lecteurs et lectrices fous de découvrir, dans les beaux livres, des univers étranges et étrangers. Sa peau est rugueuse et son écorce est fragile. Elle subit tous les outrages en se faisant porteuse de tous les messages que l’humain veut immortaliser. L’arbre nu, l’hiver, est triste. L’arbre vert et feuillu, l’été, est beau et majestueux. L’amoureux que je suis de l’arbre vous offre, dans la plus grande simplicité, un hommage modeste à celui au pied duquel j’irai observer le Nouveau-Monde qui m’accueillera à l’heure du grand destin.
Montaigne écrivait : « [Il y a] un certain respect qui nous attache, et un général devoir d’humanité, non aux bêtes seulement qui ont vie et sentiment, mais aux arbres et aux plantes ». L’arbre par son silence se fait oublier. Par sa grandeur, il se laisse admirer. Il ne se plie que sous les coups de hache des hommes. Serge Bouchard, ethnologue et animateur à la Société Radio-Canada, écrivait : « Les vieux arbres, comme les vieux en général, ont leurs habitudes et leurs certitudes. Dérangez leur routine et ils meurent »
Il était une feuille
Il était une feuille avec ses lignes
Ligne de vie
Ligne de chance
Ligne de cœur
Il était une branche au bout de la feuille
Ligne fourchue signe de vie
Signe de chance
Signe de cœur
Il était un arbre au bout de la branche
Un arbre digne de vie
Digne de chance
Digne de cœur
Cœur gravé, percé, transpercé,
Un arbre que nul jamais ne vit.
Il était des racines au bout de l’arbre
Racines vignes de vie.
Vignes de chance
Vignes de cœur
Au bout des racines il était la terre
La terre tout court
La terre toute ronde
La terre toute seule au travers du ciel
La terre.Robert Desnos – Il était une feuille
La forêt
Forêt silencieuse, aimable solitude,
Que j’aime à parcourir votre ombrage ignoré !
Dans vos sombres détours, en rêvant égaré,
J’éprouve un sentiment libre d’inquiétude !
Prestiges de mon coeur ! je crois voir s’exhaler
Des arbres, des gazons une douce tristesse :
Cette onde que j’entends murmure avec mollesse,
Et dans le fond des bois semble encor m’appeler.
Oh ! que ne puis-je, heureux, passer ma vie entière
Ici, loin des humains !… Au bruit de ces ruisseaux,
Sur un tapis de fleurs, sur l’herbe printanière,
Qu’ignoré je sommeille à l’ombre des ormeaux !
Tout parle, tout me plaît sous ces voûtes tranquilles ;
Ces genêts, ornements d’un sauvage réduit,
Ce chèvrefeuille atteint d’un vent léger qui fuit,
Balancent tour à tour leurs guirlandes mobiles.
Forêts, dans vos abris gardez mes voeux offerts !
A quel amant jamais serez-vous aussi chères ?
D’autres vous rediront des amours étrangères ;
Moi de vos charmes seuls j’entretiens les déserts.Chateaubriand – La forêt