
Qui, diantre, se voudrait être assassin du temps? Tuer le temps… mais on ne tue pas le temps, il faut au contraire, chaque jour de sa vie, protéger chacune des heures qui composent le temps
Au cours d’un après-midi, je me suis promené autour d’un même étang baigné dans la lumière du jour et décoré d’arbres lumineux. J’ai tourné autour de cet étang sans but précis. J’ai capté des moments que je ne voulais pas voir sombrer dans l’oubli. Ai-je tué le temps? Selon les principes des opinions binaires de notre époque, d’aucuns me diront que j’ai, sinon tué, du moins perdu mon temps. D’autres opinions m’encourageront au contraire à persévérer dans ma quête du temps perdu. Je vous recommande cette belle illustration de l’horloge de Charles Baudelaire. N’oubliez pas premièrement de cliquer sur la flèche et, sur la page suivante, de cliquer après l’envol des chiffres sur le lien en haut à droite de l’écran. Aurais-je tué le temps à voir et à entendre cette trame musicale qui montrent ainsi le temps se perdant à travers une œuvre d’art? L’auteure, Julie Potvin, a-t-elle elle-même tué le temps en produisant en ligne ce que, personnellement, je mets au compte d’une petite œuvre d’art? Opinions binaires, c’est selon. Tuer le temps, est-ce une manière de faire pour dénoncer l’inutile? Hésiode avait-il raison : Qui n’écoute ni lui-même ni les autres est un homme inutile

J’ai tourné un après-midi autour d’un bel étang. Pour le revoir deux fois plutôt qu’une. Cinq fois plutôt que deux. Toutes et quantes fois qu’il me plaisait de le contourner. Vous ai-je montré ce bel étang?

Conjuguer au jour le jour la vie et chercher l’harmonie dans les gestes jugés par d’aucuns comme inutiles, est-ce tuer le temps?

Rappelons-nous ces mots de Baudelaire : Maudit soit à jamais le rêveur inutile qui voulut le premier, dans sa stupidité, S’éprenant d’un problème insoluble et stérile, aux choses de l’amour mêler l’honnêteté !

Et le voici ce bel étang. Ai-je mis votre patience à rude épreuve? Sans en être le discipline, je retrouve en Bouddha une certaine paix : « Deux choses participent de la connaissance : le silence tranquille et l’intériorité »
On demanda un jour à un maître qui savait méditer,
comment il faisait pour être si recueilli, en dépit de toutes ses occupations.
Il répondit:Quand je me lève, je me lève.
Quand je marche, je marche.
Quand je suis assis, Je suis assis.
Quand je mange, je mange.
Quand je parle, je parle.Les gens l’interrompirent en lui disant:
« Nous faisons de même, mais que fais-tu de plus ? »
Quand je me lève, je me lève.
Quand je marche, je marche.
Quand je suis assis, je suis assis.
Quand je mange, je mange.
Quand je parle, je parle.Les gens lui dirent encore une fois:
« C’est ce que nous faisons aussi ! »
Non, leur répondit-il.
Quand vous êtes assis, vous vous levez déjà.
Quand vous vous levez, vous courez déjà.
Quand vous courez, vous êtes déjà au but…
Présentement !

J’ai beaucoup parlé du temps. Je le sens présent parce qu’il s’éloigne de plus en plus. L’avenir n’est plus au temps long mais au temps court. Plus il s’éloigne, plus je le voudrais présent. Pour allonger la ligne d’horizon.

Personne n’a vécu dans le passé, personne ne vivra dans le futur ; le présent est le mode de toute vie (Arthur Schopenhauer)

Dans la solitude du temps, c’est le temps qui domine. Et je m’interrogeais, si j’en avais le temps, sur l’utilité de dire à un ami qu’à trop conjuguer au JE, c’est le TU, le VOUS et le ILS qui disparaissent

Comment trouve-t-on tant de sagesse réunie dans un seul homme : L’avenir n’est jamais que du présent à mettre en ordre. Tu n’as pas à le prévoir, mais à le permettre (Antoine de Saint-Exupéry)

Et si je me laissais tenter par un peu de spiritualité là où tout n’est qu’éphémère : « L’âme est une rivière dont le lit est le bien, dont l’eau est la vérité, dont les rives sont la fermeté, dont le courant est la tendresse » (Mahâbhârata)

Il est des minutes précieuses qui passent trop vite. Il est des minutes imprécises qui nous hantent. Les heures en promenade sont des minutes précieuses et imprécises, à la fois

J’ai tourné tant et tant de fois autour de cet étang, oubliant ainsi le point de départ et le point d’arrivée