Ai-je choisi le loisir de la photographie en raison de la solitude qu’elle impose? Il ne fait aucun doute à mon esprit que le photographe est un être solitaire. Il doit ou se laisser guider par son instinct et opter pour une saine improvisation. Le photographe de la nature est obsédé par la découverte, l’originalité, les couleurs, la chaleur ou la froideur du jour, la bienveillance ou la malignité du monde animal, la beauté ou la détresse des fleurs, voire de la nature même, par l’infiniment petit, par l’infiniment vaste, par l’incommensurable beauté de la Terre par l’insondable laideur des villes en certaines circonstances. Si la photographie est venue à moi, il y a certainement une grande part du désir de solitude qui m’animait dès les premières heures de ma retraite.
J’avais au début de cette retraite opté pour l’analyse politique. Un blogue, des lectures de l’actualité, la rédaction d’observations. Au quotidien. J’ai réalisé rapidement que cette voie m’ennuyait plutôt qu’elle m’enrichissait. Ces analyses m’ont été plus un défi qu’un plaisir. Avais-je encore la capacité intellectuelle de mener à bon port de telles analyses et pouvais-je saisir dans leur économie globale la quintessence de situations géopolitiques fort complexes? Pour tester le tout, je me suis inscrit dans un forum de discussion. Je croyais trouver des échanges intellectuels de grande qualité. La déception fut impitoyable. Tout débat pluraliste mène invariablement à la foire d’empoigne à partir du moment où un groupuscule tente d’imposer une orientation particulière et singulière. Loin de me satisfaire, ces joutes épistolaires polémiques m’ont éloigné de l’écriture.
Et que dire de la complexité de cette langue si belle qu’est le français. J’en suis amoureux fou. Mais combien de fois lui dois-je de grands tourments, de profonds remords pour l’avoir torturée, détournée de sa pureté, de ses règles, de son art, de sa limpidité, de sa richesse, des émotions qu’elle sait si bien transmettre? En abandonnant ainsi l’écriture au quotidien, je prenais un recul pour revoir mon rapport à cette ressource si généreuse. Le plaisir de l’écriture, bizarrement, je le retrouve dans la lecture des œuvres d’autrui en me disant simplement : cet opus aurait pu être mien, cette nouvelle aurait pu être mienne. Je m’approprie, dans le seul plaisir de lire, les tournures savamment plaisantes des amis et amies de la blogosphère. Et je m’en satisfais pleinement.
Abandonnant ainsi l’écriture, j’eus alors un doute. Un terrible doute. Allai-je m’asseoir en attendant ma fin dernière? Un ami, pour lequel j’ai beaucoup d’affection, Christophe pour ne pas le nommer, qui vivait à Caen, m’a parlé, au cours d’un appel en visioconférence, de la photographie. Nous avons échangé pendant plus de deux heures sur cet art si singulier. De telles conservations – voire tergiversations amicales – sont possibles maintenant grâce au réseau Internet. Toujours est-il que mon bon ami m’a fait part de ses choix d’appareils photos. Il a en moi allumé une petite étincelle d’espoir et de doute profond. Pourrais-je manipuler ces appareils avec sagesse, science et clairvoyance? Je ne vous parle pas de talent. Vous l’aurez sans doute remarqué.
Deux jours durant, je fouille le grand réseau Internet à la recherche d’informations techniques qui pourraient guider mes choix. De tels achats n’étaient pas sans conséquences tant les prix sont particulièrement élevés. Un matin je quitte mon domicile et je me dirige droit vers un revendeur d’appareils photos. Ma décision était prises et je connaissais la part d’investissement que ce choix allait engager. Qu’importe. Je fonce. Au diable tout le reste, se dit-on trop souvent, peut-être.
Venir à un âge avancé à la photographie était aussi périlleux que si j’avais décidé de subir un examen pour l’obtention d’un permis de conduire. Imaginez. Conduire une voiture m’est aussi insupportable que le bruit d’une craie sur un tableau noir. Je ressors donc équipés jusqu’aux dents d’appareils photos et autres bidules à devoir apprivoiser. Et cette aventure dure depuis plus de trente-six mois sur la blogosphère, et quarante-huit mois au total. Sept jours sur sept, cinquante-deux semaines par année, depuis trois ans.
Avec une patience exemplaire, plusieurs d’entre vous ont suivi mon évolution. Ont repéré mes thèmes récurents. Ont vu mes réussites et aussi mes échecs. Ont suivi également mes humeurs variables. Mes colères intempestives. Mes envolées lyriques. Traiter plus de 1095 thèmes impose forcément des redites, des reprises, des redondances, de sympathiques petits radotages, des petits détours vers la facilité.
Amis lecteurs, amies lectrices, vous m’avez tant apporté. Ma retraite n’aurait jamais été ce qu’elle fut sans votre grande fidélité et votre extraordinaire patience. Je vous en rends grâces. La mélancolie, c’est le bonheur d’être triste, écrivait Victor Hugo. Je vous rassure. Vous adresser ces quelques mots c’est le bonheur d’être euphorique. A l’idée de poursuivre encore cet idéal de capter dans leur réalité même les beautés du monde me donne des ailes. Et s’il y a répétition des thèmes, je vous prie d’être indulgent avec un photographe qui vieillit dans ses artères mais qui rajeunit dans son cœur. Et comment aurais-je pu vous connaître, toutes et tous, sans cette voie lumineuse qu’est la photographie?
Permettez-moi d’avoir une pensée toute spéciale pour une amie si loin des yeux mais si près du cœur qui traverse en son pays un temps assombri par quelques nuages. Toutes mes pensées lui sont destinées. Elle nous manque.
Merci pour tout. Merci pour ce bonheur quotidien.
J’aime votre bravoure et j’espère bien que vous allez continuer. Je tente moi-même de l’être au quotidien : il faut chaque matin recommencer ! Mais c’est ainsi que la vie se fait.
A très bientôt, cher brave.
oh que oui – ne nous lâchez pas ! mais enfin regardez rien que vos derniers billets et imaginez le plaisir qu’ils apportent
je connais une qui était en pause, qui pensait revenir demain ou les jours suivants (mais ce sera peut être remis parce qu’il y a politiquement le feu chez elle là et que ses forces vont tenter de se mobiliser pour) et qui a bien besoin de la sérénité qu’éprouvée ou non par vous, vous donnez
et votre billet… joint à la lecture de résultats a provoqué (pardon demandé pour l’auto-promotion)
http://brigetoun.blogspot.fr/2012/06/ouille.html
Pour certains, la retraite est synonyme d’ennui. Se lever chaque matin en se demandant comment on va bien pouvoir occuper sa journée ne peut que générer des pensées négatives . Je n’ai pas ce souci. Comme vous, je suis depuis quelques années une « re-traitée » passionnée de nature et de photographie. J’aime la solitude, le chant des oiseaux, le calme de la montagne loin des bruits de la ville et de toute cette violence quotidienne. Vous nous remerciez ? Nous aussi, nous devons vous adresser nos remerciements pour nous permettre de connaître les richesses naturelles d’Outre Atlantique. Le partage, n’est-ce pas ce qu’il y a de mieux dans la vie ?
C’est un regard unique que vous posez sur les gens, la nature et les choses dans vos promenades quotidiennes, celui d’un « promeneur solitaire » amoureux de sa ville et cela vaut bien des milliers de mots sur la conjoncture actuelle de notre monde en ébullition.
La photographie est très bavarde et vous écrivez maintenant le monde dans un langage compréhensible pour une plus grande majorité 😉
Voilà selon moi un blog qui est loin d’être inutile!
Merci d’exposer au grand jour votre art de vivre, celui de vos concitoyens et le pays privilégié dans lequel ils l’exercent.
Merci à vous ! pour toutes les beautés de votre pays que vous nous faîtes partager, nous permettant ainsi de voyager et de découvrir ce Québec qui nous fait tant rêver nous sur le vieux continent et qui nous fait mieux supporter notre hiver , quand on voit le vôtre ………!! 😉
Un petit coup de mou ? Temporaire j’espère ! 🙂
Allez ! un petit reportage photo sur votre belle jeunesse québécoise qui nous fait penser à Mai 68 , aux hippies , dans cette innocence quand elle défile « à yoilpé », elle vous redonnera de l’énergie !
C’est ce que je vous souhaite, en vous disant : à demain Pierre !
Connaissiez-vous au Québec ,
ambiance Mai 68!
Amitiés.
Pendant notre vie active professionnelle, les années passent et l’on se dit, vivement la retraite. On se dit, je pourrai faire ceci ou cela. Bien entendu, il faut préparer gentiment sa retraite, et se diriger sur le bon chemin comme vous avez su le faire Pierre. Et pourquoi pas la photographie ? Elle apporte au photographe de grands plaisirs. Cela donne l’occasion de sortir, de découvrir sa ville et les alentours. Tout ce que nous ne pouvions pas faire pendant les années de travail.
Et vous Pierre, vous avez créé un magnifique blog où nous avons tous, un énorme plaisir à découvrir vos photos. Pour ma part, j’apprends beaucoup sur votre ville, le Québec et c’est avec enchantement que je découvre Montréal sous tous ses aspects. Chaque jour, j’ai le coeur réjoui pour ces grands moments que vous nous offrez grâce à vos photos. Des photos remplies de sensibilité.
Pour tout cela, je vous dis un grand merci cher ami et je vous souhaite une belle continuation dans la photographie et beaucoup de satisfactions 🙂
Mes amitiés.
Quels plaisirs de t’accompagner trop peu souvent dans la nature ainsi que de te lire quotidiennement ! C’est à toi que je dois mille mercis !
Il y a tant de langages, vous avez choisi la photo pour nous transmettre « les » Montréal que votre regard capte et que votre émotion artistique transcende. Je dis bien transmettre puisqu’une fidélité s’est établie entre vous et nous qui passons, en attente de votre billet quotidien. Avez-vous vraiment abandonné l’écriture? Un amoureux comme vous l’êtes de notre belle langue reste toujours tapi à son ombre et peut resurgir, non? Et puis pourquoi parler d’âge vénérable? La vie qui dévore et que l’on dévore, on la lit sur votre visage que je découvre, le plus – choisissez le terme qui vous convient – reste toujours à venir et je suis certaine que non seulement vous le croiserez partout dans votre ville bien-aimée puisque que « vivre, c’est être relié ». Cordialement – Lune
Cher Pierre, vous nous touchez tellement au plus profond de notre coeur! Vous êtes d’une si grande sagesse et tendresse, nous sommes privilégiés(es) de pouvoir venir chaque jour découvrir vos photos et textes! Vous nous faites un grand bien non seulement au coeur, aux yeux mais aussi à l’âme! Un gros merci énorme pour ce que vous nous apporter, c’est tellement apprécier! Je vous fais un gros câlin et à très bientôt! Maria-Lina XXX
Je suis venue, une deuxième fois, relire tranquillement vos beaux mots, pudiques mais francs. Dire et écrire, partager et montrer, reprendre goût à une certaine vie, redécouvrir les mots connus mais si peu utilisés dans un quotidien professionnel, c’est que je trouve chez vous et chez nos ami(e)s. Se sentir émerveillé(e), attendri(e), intrigué(e), avide de découvrir un autre monde, une autre façon de voir, se savoir grâce à cela sensible. N’est-ce pas suffisant, tous ces petits bonheurs quotidiens ou presque ?
Ce soir je me permets : bises de moi à vous…
Si j’ai bien compris vous allez vous mettre à la photo ? 😀
Mes amis. Mes amies. Comme je me sens gâté. Et pour rassurer Hervé, et bien oui, je me remets à la photo. Il est temps que je fasse un adulte de moi, éternel adolescent. 😉
Amitiés à toutes et à tous
Pierre R. Chantelois
Ah Pierre, vous êtes bien indulgent avec mon humour d’andouillette franc-comtoise. Mais sachez que quelle que soient vos décisions, vous m’aurez toujours à vos côtés pour vous approuver – et sortir des grosses conneries aussi, cela va sans dire ! 🙂