
14,5 kilomètres entre le Vieux-Port et le lac Saint-Louis. Le canal Lachine, c’est aussi des heures et des heures de marche en solitaire, de haltes, de pauses, d’observations de toutes sortes

Promenade improvisée sans pour autant ignorer les points de repère. Et dans le cours d’une vie les bouées de sauvetage reviennent par intermittence pour se montrer rassurantes

Pour Montesquieu, la tristesse vient de la solitude du cœur. Et si la solitude pouvait guérir certains maux dont souffre le cœur? Et si la solitude était un havre, un port auprès duquel l’âme errante trouve sa destination?

(…) rien de plus difficile que de trouver en quoi consiste le présent de notre temps. Ce que tout le monde en dit, loin de l’éclairer, le recouvre et le cache, écrivait Michel Serre, dans le Tiers-Instruit.
Sans connaître sens ni direction, notre errance va de l’être-là vers l’exposition, de l’humilité, véritable essence de l’humain, vers le non-lieu absent et haut, notre accomplissement, et ce mouvement crée l’écart de l’exaltation, notre grandeur et notre être, écart vide ou plein, misérable et joyeux. La misère et la joie ensemble comblent l’expérience fondamentale que nous pouvons avoir de l’être, de la vie, du monde, des autres et de la pensée
Michel Serre – Le Tiers-Instruit (P.63, Folio/essais n°199)

Et si Sainte-Beuve avait vu juste : Combien de gens meurent avant d’avoir fait le tour d’eux-mêmes ! J’en suis là au gré de cette promenade. La proximité se fait plus insistante et l’avenir se fait plus rare

J’observe le temps. J’observe le mouvement. J’observe la vie. Parfois riche. Parfois triste. Parfois joyeuse. Je m’adapte au jour pluvieux. J’accepte les jours gris. Je me réjouis des jours ensoleillés

Canicule, soleil intense, des jours ensoleillés ont succédé à d’autres jours ensoleillés. C’est la routine du beau temps

Si ma tâche ne consistait qu’à présenter des photos, à me promener, à idéaliser, à ergoter en mon for intérieur, ce serait que pur bonheur. Mais voilà. Il me faut écrire. Il me faut commenter. Il me faut accompagner ces photos. La question fondamentale est : pourquoi? L’errance n’est pas toujours silencieuse

Flux et reflux de la vie. Beaucoup de pensées me sont revenues, au gré de cette errance le long du canal, comme des fantômes sortis du placard de mes souvenirs enfouis

Une promenade sans dialogue est une promenade solitaire. Une promenade avec monologue est une errance

Suis-je un homme malheureux au cœur de cette errance? La réponse est non. Mes exigences du bonheur ont des perspectives plus réduites et la simplicité me sied bien pour l’heure

J’ai marché le long du canal sans but précis. Pourquoi faut-il toujours un but précis pour observer la vie?

Edmond Jabes disait que le fou d’écriture rêve d’être une ombre pour épouser l’eau. De cette union, naissent les livres. Et le fou de l’eau rêve d’être une ombre dormante au-dessus d’un long fleuve tranquille