
S’il n’y avait qu’une saison, aurais-je accès aux parfums de la vie, aux essences éphémères du temps?

J’aime bien cette formulation de l’instant selon Aristote : l’instant est une espèce de moyenne portant en elle à la fois un commencement et une fin – un commencement du temps à venir, une fin du temps qui a été (Phys., VIII, 251 b)

En l’instant même, je constate l’installation de l’hiver qui mènera inexorablement et cycliquement vers son départ. Saisons éphémères. Les saisons sont-elles la cadence du temps pour éviter à toute une vie de n’être que monotonie?
Saisons
Furent
rétrécies la courbure du jour
et la tombée des heures
l’humilité des lampes
la horde des labours
fenêtre d’éternité
aux lueurs anéanties d’automneFurent
les hâves rapaces
descendus du froid aux angles grêles
leurs griffes dans le suaire déchiré des neiges
repérées les aires de la mort
dénudé le lieu chaud des viscères
ô vieillesse rendue d’hiver(Extraits)
Alphonse Piché – Dernier profil, Trois-Rivières, Écrits des Forges, 1982, p. 10

Ne dit-on pas que les saisons sont le mouvement de la vie… sans elles, la vie serait-elle inerte? Qu’en est-il dans les zones tropicales ou dans les grandes zones polaires?

Avec l’avancement en âge, les interrogations se font plus pressantes et le temps trop court pour les réponses

L’agitation n’est pas l’efficacité et de tout temps, certains philosophes ont prôné l’abolition de tout mouvement pour parvenir au parfait accomplissement ou au véritable changement (Jean Gagné, médiéviste)

Et si de la contemplation de ces saisons éphémères naissait le sens même des réalités vivantes et durables?

Éphémères sont les saisons comme le sont les mots, les émotions, les tendresses et le bonheur conjugué, au pluriel comme au singulier, maintes fois dans une vie

Non la terre ne se saoule pas
la terre ne tourne pas de travers
elle pousse régulièrement sa petite voiture ses quatre saisons
la pluie… la neige…
la grêle… le beau temps…
jamais elle n’est ivre
Jacques Prévert – Chanson dans le sang