
Si ce qu’on dit d’Esope est vrai,
C’était l’oracle de la Grèce :
Lui seul avait plus de sagesse
Que tout l’Aréopage.
Jean de La Fontaine

Maître Renard aurait-il encore des enseignements à transmettre aux animaux de la montagne : « Apprenez, Monsieur du Corbeau, que tout flatteur vit au dépend de celui qui l’écoute! »

Rappelez-vous l’avertissement lancé par l’Oiseau de Jupiter, roi des oiseaux et consacré, à Jupiter, roi des dieux :
Quand l’aigle sut l’inadvertance,
Elle menaça Jupiter
D’abandonner sa cour, d’aller vivre au désert,
De quitter toute dépendance,
Avec mainte autre extravagance.

Et devant le grand prédateur, il y eut ce corbeau téméraire :
L’Oiseau de Jupiter enlevant un Mouton,
Un Corbeau, témoin de l’affaire,
Et plus faible de reins, mais non pas moins glouton,
En voulut sur l’heure autant faire.

Et dans le cours de ces fables des montagnes pourrait surgir un joli petit oiseau nommé cassenoix moucheté
Manège Hivernal
Après une bataille de boules de neige des plus endiablées, l’hiver crie victoire ! Il a plié, tordu, soumis à sa puissance les épicéas aux branches enguirlandées de blancheur. Un bruit sourd ! Une avalanche de paillettes agglomérées glisse du tronc où elles restaient en équilibre. Posté entre poudreuse et verdure, un casse-noix moucheté observe un écureuil qui n’a même pas remarqué son chouette bonnet brun si bien adapté à la saison. Emmitouflé dans son épaisse fourrure, le rongeur décortique une noisette, nullement gêné par ses gants bien chauds. Des cris rauques, discordants, de brefs croassements…. Le Nucifraga caryocatactes part à la recherche de nourriture. Il plonge vers une piste d’atterrissage toute enneigée Qu’à cela ne tienne ! Cet expert a repéré des graines de conifères. Son bec robuste les extrait rapidement, l’une après l’autre, secouant un nuage blanc. Gloups ! Avalées ! Quel régal ! Il en déloge de nouvelles. Il cherche, creuse, fouine, explore. De la neige s’accroche à son bec, barbouille sa figure !
Il se croyait seul maître à bord. Pas de chance ! Des congénères viennent de localiser son resto. Dissimulé dans un igloo improvisé, il surveille les goinfres qui se livrent à un festin. L’heure est aux réjouissances : piqués au sol, entrechats, menuets, envols alourdis par les friandises emportées… C’est à celui qui s’empiffrera le plus, au point que certains éprouvent quelque souci pour s’envoler à cause d’un jabot trop lourd. Ils sont rassasiés ! La forêt retrouve enfin son calme. Les cris ont cessé. Le silence règne. Pas pour longtemps. Les casse-noix ne tarderont pas à lancer de nouveaux assauts bruyants.
Daisy Demoor
Le saviez-vous ?
D’un naturel timide, le casse-noix moucheté ne se montre que lorsqu’il est poussé par la faim. Il est capable de retrouver, sous un mètre de neige, son garde-manger constitué durant l’été. Pour extraire l’amande d’une noisette, il la frappe contre un rocher ou une branche, parfois si fort qu’on peut l’entendre à plus de 50 mètres.

Comme le montre Daisy dans son beau texte, ce petit oiseau pourrait être un personnage des fables de Maître Roland. On le dit « très opportuniste durant les invasions périodiques. Il peut prendre toutes sortes de nourriture y compris les restes jetés par les humains. Il cherche dans la végétation, dans le feuillage des conifères et sur le sol à la base des arbres. Au sol, il sautille, marche et fait des bonds parfois. ».

Si le cassenoix devait entretenir des conversations avec les autres animaux de la fable, son cri, le plus commun, un « krraaaaak » sec et dur, porterait très loin. Il est lancé depuis la cime d’un conifère. Ce cri est parfois répété rapidement comme un cliquetis discordant. L’oiseau émet aussi un « zhreee » court.

Il faudra également se féliciter que dans cette nouvelle fable de Maître Roland, « les populations de la plus grande parties des pays européens semblent en augmentation, surtout à cause de la plantation de conifères au cours des dernières décades. L’espèce n’est pas menacée actuellement ».

Une montagne en mal d’enfant
Jetait une clameur si haute
Que chacun, au bruit accourant,
Crut qu’elle accoucherait sans faute
D’une cité plus grosse que Paris.
Elle accoucha d’une souris.
Quand je songe à cette fable,
Dont le récit est menteur
Et le sens est véritable,
Je me figure un auteur
Qui dit :«Je chanterai la guerre
Que firent les Titans au maître du tonnerre.»
C’est promettre beaucoup : mais qu’en sort-il souvent ?
Du vent.

Bornons ici cette carrière.
Les longs ouvrages me font peur.
Loin d’épuiser une matière,
On n’en doit prendre que la fleur.
Il s’en va temps que je reprenne
Un peu de forces et d’haleine,
Pour fournir à d’autres projets.
Amour, ce tyran de ma vie,
Veut que je change de sujets ;
Il faut contenter son envie.
Je remercie Roland Clerc pour ses photos magnifiques et Daisy Demoor pour son texte plein de poésie
Les œuvres sont protégées par le droit d’auteur. Toute reproduction en tout ou en partie nécessite l’autorisation expresse de Roland Clerc et de Daisy Demoor.
Les informations complémentaires ont été puisées sur ce site consacré aux oiseaux. J’ai parcouru cet autre site pour retrouver les 12 livres des Fables de La Fontaine