Avec nos yeux, avec nos mains
Dont nous aurons été humains
Nous nous serons à peine vus
Nous serons-nous touchés? À peine.
Nous aurons mis tout notre enjeu
À ne pas être malheureux.
La roue ne cesse de tourner
Emportant gestes et regards
Dans un tourbillon d’infortune
Sans nous offrir un lendemain.Claude Léveillée – Avec nos yeux
Fermés nos yeux, fermées nos mains,
Qui retrouvera les chemins
Par lesquels nous voulions surprendre
Le mot de passe de l’amour?
Nous aurons vécu sur la terre
Sans rien tenter d’un jour à l’autre
Pour apprivoiser le mystère
Nous serons passés au soleil
Sans jamais remarquer notre ombre
Et, les yeux secs et les mains blanches,
Nous sortirons de ce sommeil
Sans l’avoir comparé à l’AutreClaude Léveillée – Avec nos yeux
La vie est courte et c’est péché de perdre son temps. Je suis actif, dit-on. Mais être actif, c’est encore perdre son temps, dans la mesure où l’on se perd. Aujourd’hui est une halte et mon cœur s’en va à la rencontre de lui-même. Si une angoisse encore m’étreint, c’est de sentir cet impalpable instant glisser entre mes doigts comme les perles de mercure. Laissez donc ceux qui veulent tourner le dos au monde. Je ne me plains pas puisque je me regarde naître. À cette heure, tout mon royaume est de ce monde.
Albert Camus – L’envers et l’endroit, p.117, (Gallimard, Folio-essais n°41)