D'entrée de jeu, nous affirmons qu'il nous faille absolument préserver de la meilleure façon notre patrimoine religieux bâti. Tout d'abord parce qu'il renferme les trésors d'une quinzaine de générations d'artistes et d'artisans parmi les meilleurs de notre histoire, sans compter les chefs-d'oeuvre qui sont venus ici pour échapper aux désordres qui ont suivi la Révolution française. De plus, ces monuments d'architecture expriment avec force le grand rêve de nos ancêtres de créer en Amérique une société exemplaire meilleure que tout ce qu'ils avaient connu en Europe. Enfin, parce que ces édifices remarquables tapissent l'ensemble du territoire québécois sans égard aux richesses et aux misèrs des uns et des autres. Il s'agit donc à n'en pas douter de nos châteaux d'Amérique où tant de sueur et tant d'argent ont été investis pour illustrer notre foi en un monde meilleur. Si la tendance se maintient, qu'en restera-t-il dans un siècle? Dans 20 ans?
Source : Serge Filion, urbaniste en aménagement urbain et conseiller spécial auprès de la Commission de la capitale nationale du Québec.

De sacrés qu’ils étaient, ces lieux de cultes sont l’objet de spéculations immobilières. L’Église est fossoyeuse de ses temples
Les temples désaffectés pourraient sans aucun doute continuer d’accueillir les sans-abri comme la Maison du Père (…). En plus d’être souvent les édifices les plus remarquables de leur quartier, les églises signifient dans toutes les paroisses le lieu du dernier recours de l’économie sociale et de la solidarité, s’ils demeurent ouverts et convenablement gérés. L’Église elle-même, elle qui a toujours prêché la clause éternelle, ne devrait jamais songer ne pas faire partie de la solution au risque de décevoir énormément. Pour ceux qui croient ou qui ont cru en elle, l’Église n’est pas de passage. En signant la disparition de ses églises, elle envoie un bien mauvais message. Nous souhaitons bien au contraire la voir s’impliquer dans la poursuite de son œuvre.
Source : Serge Filion, urbaniste en aménagement urbain et conseiller spécial auprès de la Commission de la capitale nationale du Québec.

« Un État et des villes qui prêchent ostensiblement en faveur du développement durable ne sauraient détruire (…) plus de 1000 églises et couvents désaffectés ».
Serge Filion, urbaniste en aménagement urbain et conseiller spécial auprès de la Commission de la capitale nationale du Québec.
Nous comprenons bien que les biens d’église sont de deux ordres, se comportant les uns et les autres comme s’ils étaient dans des silos étanches. Alors que les églises relèvent des fabriques et de l’église locale, plusieurs communautés relèvent quant à elles directement de Rome. Ne serait-il pas temps d’imaginer un plan d’action conjoint pour un but commun : poursuivre ensemble, conjointement et solidairement l’œuvre de l’Église. Cette idée pourrait même être étendue à l’ensemble du patrimoine immobilier de toutes les communautés chrétiennes. Une sorte œcuménisme immobilier!
Source : Serge Filion, urbaniste en aménagement urbain et conseiller spécial auprès de la Commission de la capitale nationale du Québec.

Voici un exemple de l’abdication des responsabilités de l’Église face à ses temples, jadis lieux de culte. Ce temple, l’église du Saint-Nom-de-Jésus dans l’arrondissement Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, est à l’abandon depuis des années.

« L’archidiocèse de Montréal se déclarant incapable de soutenir dorénavant les coûts d’entretien, l’église ferme au culte en juin 2009. On évaluait en 2009 qu’au moins trois millions de dollars seraient nécessaires pour sécuriser l’enveloppe de l’église construite, solidifier ses fondations fragiles et stopper la dégradation du bâtiment ». Aucune décision n’a été prise depuis et rien n’a été fait pour protéger le grand orgue Casavant de 91 jeux, l’opus 600, un des plus importants au Canada, érigé en 1915 (Source et photo : Wikipedia).
Depuis les débuts de la Nouvelle-France au 17e siècle, la religion et les manifestations populaires de la foi constituent une composante essentielle de la société québécoise. L’évangélisation des Autochtones et le rayonnement de la foi catholique en Amérique ont occupé une place prépondérante dans l’évolution de cette possession française puis britannique. Aujourd’hui, de nombreux édifices et lieux de culte témoignent de cette tradition séculaire et du double héritage religieux et culturel du Québec Source : Bonjour Québec.

L’Église a-t-elle vocation d’abandonner ou de vendre ses temples. Maître-autel de l’Église du Saint-Nom-de-Jésus (Photo : Wikipedia)

Nous nous targuons dans la publicité pour fin de tourisme de l’importance de nos orgues : Le Québec compte nombre d’orgues de qualité, qu’on peut entendre lors des offices ou dans le cadre de concerts ou de festivals. La basilique Notre-Dame de Montréal possède un des instruments les plus imposants avec ses 92 jeux et 7000 tuyaux. Dans une de ses tours – nommée Persévérance – est par ailleurs suspendu le gros bourdon, qui fait plus de 10 tonnes! La cathédrale anglicane Holy Trinity de Québec, de son côté, possède l’un des orgues les plus anciens : un petit orgue anglais de la fin du 18e siècle. Et nous abandonnons le grand orgue Casavant de l’église du Saint-Nom-de-Jésus.

Quel est l’hommage que nous réservons aux bâtisseurs d’autrefois, aux familles qui ont, de sueur et de sang, participé au patrimoine bâti religieux et défendu les valeurs auxquelles elles ont cru? L’Église d’aujourd’hui s’est convertie en marchande de temples. Triste. Très triste.
N.B. : Plusieurs églises illustrées dans cette chronique ne sont pas fermées ou sur le point de l’être. Jusqu’à quand, toutefois?