Ce soir s’effeuilleront les roses,
trop pleines d’elles-mêmes, en douces agonies.
Ô mon enfant, ô mon amie vas y -:
La vie s’éclaire dans la mort des chosesRainer Maria Rilke
Nous sommes les abeilles de l’Univers. Nous butinons éperdument le miel du visible pour l’accumuler dans la grande ruche d’or de l’invisible
Rainer Maria Rilke
Seigneur il est maintenant temps.
L’été fut très grand.
Repose ton ombre sur les cadrans solaires
et détache les vents sur les plaines.
Ordonne aux derniers fruits d’être pleins,
accorde-leur encore deux jours du sud.
Force-les à la plénitude et chasse
les dernières douceurs dans le vin lourd.
Qui maintenant n’a point de maison, n’en bâtira plus,
qui maintenant est seul, le restera longtemps.
Il veillera; lira, écrira de longues lettres
et inquiet, fera les cent pas dans les allées
quand les feuilles tournent en rondRainer Maria Rilke

Par les mots de Rainer Maria Rilke, je revois l’automne d’hier et d’aujourd’hui. Et celui de demain, m’y rendrai-je?.
Beau papillon près du sol,
à l’attentive nature
montrant les enluminures
de son livre de vol.Un autre se ferme au bord
de la fleur qu’on respire – :
ce n’est pas le moment de lire.
Et tant d’autres encor,de menus bleus, s’éparpillent,
flottants et voletants,
comme de bleues brindilles
d’une lettre d’amour au vent,d’une lettre déchirée
qu’on était en train de faire
pendant que la destinataire
hésitait à l’entrée.Rainer Maria Rilke
Rose, eût-il fallu te laisser dehors,
chère exquise ?
Que fait une rose là où le sort
sur nous s’épuise ?Point de retour. Te voici
qui partages
avec nous, éperdue, cette vie, cette vie
qui n’est pas de ton âge.Rainer Maria Rilke
Ô nostalgie des lieux qui n’étaient point
assez aimés à l’heure passagère,
que je voudrais leur rendre de loin
le geste oublié, l’action supplémentaire !Revenir sur mes pas, refaire doucement
– et cette fois, seul – tel voyage,
rester à la fontaine davantage,
toucher cet arbre, caresser ce banc…Monter à la chapelle solitaire
que tout le monde dit sans intérêt ;
pousser la grille de ce cimetière,
se taire avec lui qui tant se tait.Car n’est-ce pas le temps où il importe
de prendre un contact subtil et pieux ?
Tel était fort, c’est que la terre est forte ;
et tel se plaint : c’est qu’on la connaît peu.Rainer Maria Rilke